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Nicolas Coursault

Jean Mariani, histoire d'un prisonnier de guerre



Biographie de Jean Mariani, histoire d'un prisonnier de guerre.

Interview de son fils Gérard par Günter Dietrich:

« Gérard (Gerhard) Mariani est l'un des deux fils de Jean Mariani. Ma conversation avec lui et sa femme le 11 février 2018 au sujet de son père a été très instructive.


Né le 26 février 1909, son père était un sergent français qui a été fait prisonnier dans les Ardennes puis envoyé en Allemagne en 1940, dans les Stalags. Il a d'abord été déployé pour des travaux de construction de voies ferrées dans le Vorarlberg à Margreten, mais je soupçonne qu'il travailla dans d'autres, notamment la courbe d'Altenstadt (contournement de la gare de Feldkirch).

Vers 1942, il est venu à l’hôpital de Valduna comme électricien de maintenance. Ce travail lui a demandé (permis) de quitter le Valduna à de nombreuses reprises afin d'acheter des matériaux, par exemple pour l'atelier d'électricité à Rankweil. Il a probablement largement profité de cette opportunité ou d'autres sorties, comme à Sulz où il a rencontré Camille, un travailleur forcé belge, avec qui il a créé et dirigé le groupe de théâtre Folies Sulzoise.

Même après la guerre, jusqu'en 1954 environ, il a toujours été appelé à Valduna lorsqu'il y avait des problèmes avec l'électricité de l’hôpital.

Gérard et sa femme sont d'avis que Jean Mariani n'a pas rencontré sa future épouse Maria Jenny (la mère de Gérard) en tant qu'infirmière dans le Valduna, comme cela a été publié, car elle n'était pas infirmière, mais couturière (?). Ils se sont vus la première fois par hasard dans la pharmacie de Rankweil. Une bonne amie de Maria les a rapprochés peu après.

Les deux se sont rencontrés en secret. Ils s'étaient mis d'accord sur ce point dans un courrier, comme le prouvent de nombreuses lettres.

Par la suite, un contact avec le groupe de résistance avait été établi comme suit : Le charpentier Alfons Branner, opposant avoué (plusieurs fois arrêté par les nazis) et cheminot (comme Franz Kielwein), a essayé de protéger Rankweil des combats destructeurs entre la Waffen-SS et les troupes françaises qui se rapprochaient de plus en plus.

Alfons Branner a demandé à une connaissance à lui de contacter Maria Jenny, afin qu'elle lui donne accès à Jean Mariani. Ce qui est finalement arrivé.

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1945, Franz Kielwein (soutenu par Jean Mariani), du service des trains de Rankweil, a essayé avec succès de contacter les gares déjà occupées par les Français via le téléphone des trains. Ils ont ainsi reçu de précieuses informations sur les mesures à prendre.

Plus tard, Branner a réussi à persuader le prisonnier de guerre français Jean Mariani d'établir un contact direct avec les troupes françaises qui approchaient de Rankweil.

Maria Jenny et ses sœurs ont essayé de réparer dans une certaine mesure l'uniforme militaire français vieillissant de Jean Mariani et de créer un drapeau français.

Branner est parti avec Mariani, assis sur le siège, en direction des troupes françaises. Peu avant Götzis, ils ont découvert un char d'assaut. Branner dit alors à Mariani : "Désormais, vous êtes tout seul" !

Mariani s’est avancé avec le drapeau français qui flottait vers le char, dont les canons étaient pointés vers lui. Cette situation qui inspire la peur a duré une bonne demi-heure jusqu'à ce que les Français croient en la loyauté de Mariani (à quoi pensait-il ?).

Jean Mariani a été escorté jusqu’au commandant local des Français à Götzis, où son intégrité a ensuite été mise à l'épreuve.

Jean Mariani a convaincu les Français qu'il pouvait les escorter sans combat jusqu'à Rankweil et Feldkirch. Assis sur le premier char de la colonne (au cas où il aurait voulu les mener dans un piège, il aurait été la première victime), il a conduit les troupes françaises à Altenstadt via Koblach, Meiningen, Brederis.

La Waffen-SS avait peu de temps auparavant établi une ligne de défense en faisant sauter tous les ponts de Frut, y compris le pont de l'Ill vers Frastanz. Ils avaient également érigé des défenses massives sur l'Ardetzenberg et dans le Hinterletze à Rankweil.

Depuis Altenstadt, Mariani se dépêcha de retourner à Valduna le plus rapidement possible afin d'empêcher les violences et les actes de vengeance des prisonniers de guerre restants - principalement des Russes soviétiques et des Serbes - qui étaient à craindre, et de remis "son" hôpital militaire de Valduna aux troupes françaises de manière ordonnée. Plusieurs médecins étaient partis, l'équipe de couverture s'était dispersée. Grâce aux efforts de Mariani, l'hôpital de réserve allemand a pu devenir un hôpital militaire français sans aucun dommage pour les personnes, les bâtiments et les installations, et il est resté un lieu de soins pour les quelque 500 soldats du monde entier qui souffraient de maladies pulmonaires. L'intégrité des bâtiments et de leurs installations était une condition préalable fondamentale pour continuer à travailler au profit des malades de Valduna immédiatement après la guerre.

À la fin de la guerre, la langue maternelle de Jean Mariani a été une aide précieuse pour la communication entre le maire Alois Fröhlich et les forces d'occupation.

Il a également joué le rôle de médiateur entre les citoyens de Rankweil et le camp de prisonniers français de Brederis.

Pendant plusieurs années, Jean Mariani a également été actif au sein de la commission spéciale de dénazification à Innsbruck.

Rankweil aime honorer les citoyens méritants par une médaille ou même une citoyenneté d'honneur. Parfois aussi des nazis incorrigibles, comme Natalie Beer...


Pourquoi pas Jean Mariani ? Évidemment pas parce qu'il était un social-démocrate convaincu, mais parce qu'il a toujours rejeté strictement cette idée ! »


Interview réalisé par Günter Dietrich, politicien et historien autrichien, traduction de Nicolas Coursault. Je remercie Monsieur Günter Dietrich pour son aimable autorisation et son partage sur son blog.



Notes de l'auteur Nicolas Coursault :


Au cours de mes recherches, je fus surpris de découvrir le désarroi dans lequel se trouvèrent les prisonniers de retour chez eux, en France. 46% avaient des troubles psychologiques (Yves Durand) et beaucoup eurent bien du mal à se réintréger ! La plupart étaient désorientés, déconnectés, dans un pays qui avait changé et qu'ils ne reconnaissaient plus. Parmi eux, quelques uns décidèrent de retourner en Allemagne ou en Autriche. Pour ceux qui veulent en savoir plus, je recommande l'excellent film "Le passage du Rhin", réalisé par André Cayatte en 1960, avec un étonnant Charles Aznavour.

Histoire d'un prisonnier de guerre, retrouvez Jean Mariani et Maria Jenny dans le roman historique Solstice 40.








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